Fressac ; Les veillées (1932-1939) par Janine Paux

Quand je pense à Fressac,
Je revois la maison à coté de l’école,
Mes parents et mon frère,
Le château, la rivière,
Et comme par enchantement
Je me retrouve alors lorsque j’avais 6 ans.
Nous étions là tous les quatre et nous vivions heureux.
Il est vrai que j’avais des parents merveilleux.
Les voisins tout autour se montraient généreux,
Nous partagions leurs joies, leurs soucis et leurs peines.
Nous nous réunissions plusieurs fois par semaine
Tantôt c’était chez nous, tantôt c’était chez eux.
Nous buvions le café et puis la cartagéne
Accompagnée l’hiver de châtaignes grillées,
Qui nous brulaient les doigts quand on les épluchait.
Les hommes jouaient aux cartes
En élevant la voix, puis parlaient politique
Et comme maintenant n’étaient jamais contents
De leur gouvernement.
Les femmes tricotaient en faisant la causette.
Les enfants installés près de la cheminée
Jouaient aux dominos, aux cartes,au jaquet,
Trichaient tout ce qu’ils pouvaient
Et dans ces conditions jamais je ne gagnais.
Je m’accoudais alors sur le coin de la table
L’ambiance aidant je m’endormais paisiblement
Et me retrouvais au lit sans trop savoir comment.
Dans les soirées d’été, c’est à l’entrée du pont
Que l’on se réunissait.
Les adultes parlaient des grands évènements,
Les enfants dans le noir s’amusaient à cachette
Et j’avais toujours peur de rencontrer des bêtes.
Les saisons s’écoulaient ainsi dans la tranquillité.
Les Jourdan possédaient un phono
Qu’il fallait remonter à la manivelle.
Ils nous passaient des disques que l’on trouvait vieillots
Mais musiques et paroles sont restées éternelles.
Nous écoutions aussi quelques nouveaux refrains,
Qui venaient redonner à tous un peu d’entrain.
« La Tonquinoise, Avoir un bon copain… »
C’était au temps où l’on savait se contenter de peu,
Dans leur simplicité les gens étaient heureux,
Mais ils voulaient pourtant profiter du progrès.
La radio faisait une timide entrée chez les privilégiés,
Et petit à petit envahissait tous les foyers.
Les informations prenaient le pas sur les conversations.
Peu à peu les veillées perdaient de leur intimité.
L’insouciance du début laissait la place à l’anxiété.
Les Espagnols se battaient, Hitler se démenait,
La guerre est arrivée inévitablement
Et plus rien désormais n’a été comme avant.

C’est avec nostalgie que je pense aux veillées,
A l’heureux temps, où nous étions encore des enfants,
Où nous vivions heureux loin du monde et du bruit,
Fressac était pour nous un petit paradis.

Janine Paux (2007)

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